Colloque S’adresser à la liberté d’autrui – juin 2025
Catherine Alcouloumbré
Aux funambules de la folie…
Le neutre, si nous le pensions, libérerait la pensée de la fascination de l’unité. Le neutre est une menace et un scandale pour la pensée3.
Maurice Blanchot
S’adresser à la liberté d’autrui invite à un glissement vers ce neutre insaisissable qui ne peut pas ne pas en passer dans une cure d’analyse à travers une rencontre avec l’inexistence de l’Autre : ceci est précieux, cela est rare d’accueillir telle liberté, ici éclairée, à entendre celle de l’acte analytique. Ce neutre sans appel en Fin de partie4 analytique se saisit aussi dans l’acte d’écrire et la littérature, bonjour Duras, bonjour Beckett ! Parfois il gît au détour d’un autre tour de la folie, voire au fondement de certains états spirituels en Inde, dans la mesure où anattā, le non-soi évoque une pensée du non-sujet5. C’est cette affinité que je propose d’évoquer.
Ce mouvement proche de ce que Foucault appelle pensée du dehors6 existe depuis longtemps en Occident et en Orient et s’inscrit de fait dans une longue tradition : les exemples foisonnent, mystiques au Moyen-Age, Angelus Silesius ou Maître Eckhart7, chez qui l’on retrouve ces nuances de détachement, d’effacement du moi, destitution du soi, la sensibilité à une présence-absence, à l’empreinte8 qui laisse place à l’absence-présence sur le bord du réel, ni sujet ni objet, un dehors-dedans, « Non-lieu de l’errance, errances en non-lieux9 ».
Michel Foucault est très tôt sensible à cette expérience limite : « […] on savait bien depuis Mallarmé que le mot est l’inexistence manifeste de ce qu’il désigne ; on sait maintenant que l’être du langage est le visible effacement de celui qui parle10 ». Dans un entretien paru dans le Monde du 22 juillet 196111, à propos des influences qu’il a subies, Foucault répond : « Surtout des œuvres littéraires… Maurice Blanchot, Raymond Roussel. Ce qui m’a intéressé et guidé, c’est une certaine forme de présence de la folie dans la littérature. ».
Dans Le langage à l’infini12, il en parle comme l’inventeur d’une « littérature du dehors ».
En septembre 69, à propos de ses maîtres spirituels, il répond ainsi13 :
Quant à Bataille et Blanchot, je crois que l’expérience de l’érotisme du premier et celle du langage pour le second, comprises comme expériences de la dissolution, de la disparition, du reniement du sujet, (du sujet parlant et du sujet érotique), […] m’ont suggéré le thème que j’ai transposé dans la réflexion […] sur certaines études positives, Dumézil, Levi-Strauss. En d’autres termes, […] la possibilité même de tenir un discours rigoureux sur la structure conduit à un discours négatif sur le sujet, bref, à un discours analogue à celui de Bataille et de Blanchot.
Et plus tard, en 197814 :
Les auteurs les plus importants qui m’ont, je ne dirais pas formé, qui m’ont permis de me décaler par rapport à ma formation universitaire, ont été des gens comme Bataille, Nietzsche, Blanchot, Klossowski […] leur problème n’était pas celui de la construction d’un système, mais d’une expérience personnelle.
Ainsi saisi sous l’angle d’une expérience, celle du sensible d’un lieu sans lieu, celle du dehors, de l’impersonnel, d’une écriture en fragments, le neutre prend des couleurs lacaniennes : si Blanchot le pense comme expérience limite, écriture qui s’écrit depuis le désœuvrement, écriture du désastre15, disparition du moi, désistement du sens, le passage du je au il – c’est en 1946 que Benveniste déplie la structure des relations de personne dans le verbe16 – permettrait alors ce hors-lieu de l’énonciation, ce il sans ancrage… Si Barthes s’inscrit aussi dans cette lignée dès 1947, avec Le degré zéro de l’écriture17, puis en 1978 lors de son fameux cours sur le neutre au Collège de France… Avec un champ lexical parfois fort proche, Lacan, lui, insiste dès son séminaire oral en 1955-56 « Les structures freudiennes des psychoses18 » sur la non existence de ce grand Autre, lieu où le dire s’adresse, qui se barre de l’objet petit a, puis en 1957 sur ce lieu de l’inconscient comme en-dehors du sujet19, sur un rapport sexuel qu’il « n’yapas », jusqu’à son cri en 1973 dans L’étourdit20. On se croirait chez Duras ! Et cela ne va pas sans une absolue liberté, difficile, ascétique, liberté qui exige l’accueil, l’écoute, l’attente, respect du temps de l’autre, son Kaïros21, ce que Barthes verse du côté du périssable22, ce que j’appelle une délicatesse détachée (détachée selon l’ablatif absolu latin), celle de l’instant à saisir23. Avec tendresse et estime…
« La seule question est de savoir si cette opération théorique de neutralisation du sujet de l’énonciation est possible24 ». Cette hypothèse appelle Duras, l’univers Duras, l’amour Duras, son passage à l’écriture filmique de la Femme du Gange25 suivie de ce choc inédit d’India song en 1974 et Son nom de Venise dans Calcutta désert en 1976.
Le passage à un certain neutre chez Duras devient le signe après-coup decet objet a chu, qui fait place au neutre26. Ce qui tombe là, c’est le cas de le dire, ce n’est pas rien. Le dire ainsi d’Allouch éclaire bien le glissement27 de la première à la seconde analytique du sexe. L’écriture de Marguerite Duras en offre un éclairage singulier à travers Détruire, dit-elle : on est en 1969, dans la foulée du Comité d’action étudiants–écrivains du 18 mai 68.
Détruire dit-elle, écrire peut-être28s’intéresse à l’écrire en acte de Marguerite Duras à travers Détruire dit-elle29, à la question de la folie. Pas sans L’amitié30, de Maurice Blanchot.
« Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir. Les grains s’ajoutent aux grains, un à un, et un jour, soudain, c’est un tas, un petit tas, l’impossible tas31 » (Clov, regard fixe, voix blanche).
« Ça ne va donc jamais finir »(Hamm, excédé)32. Beckett ici est aussi une mine.
Nathalie Sarraute à sa façon nous invite à écouter ce démonstratif équivoque.
« H. 2 : […] tu m’as dit il y a quelque temps… tu m’as dit… quand je me suis vanté de je ne sais plus quoi… de je ne sais plus quel succès… oui… dérisoire… quand je t’en ai parlé… tu m’as dit : « C’est bien… ça… » […].
H. 1 : […] je t’aurais dit : « C’est bien, ça ? »
H. 2, soupire : Pas tout à fait ainsi… il y avait entre « C’est bien » et « ça » un intervalle plus grand : « C’est biiien… ça… ». Un accent mis sur « bien »… un étirement : « biiien… » et un suspens avant que « ça » arrive…33 ».
Ces exemples semblent aussi rappeler ce lieu sans lieu de l’écrire, ce temps de l’attente, de l’oubli, Godot, des vibrations, un souffle dans une chambre inconnue, un hôtel, un lieu vide, un passage34.
1. Détruire dit-elle, écrire peut-être
L’écriture de Marguerite Duras vient illustrer à merveille ce passage, ce versement, comme le précise Allouch35, accès à ce que sera cela, ce neutre selon Blanchot, dès 1931 avec l’écriture de Thomas le solitaire36, qui deviendra Thomas l’obscur37. Et 1955 voit paraître L’espace littéraire38. Pour ne pointer ici que ces deux moments cruciaux !
En ouverture, il s’agit de prendre appui sur trois textes/films, contemporains de la décision de Marguerite de passer elle-même derrière la caméra, guidée par la nécessité d’une écriture filmique, qui va se radicaliser : Détruire, dit-elle, 1969, L’amour, 1971, La femme du Gange, 1972. Puis juste après arrive l’expérience inédite d’India Song / India song bis, deux films avec une unique bande sonore : les mêmes sons, les mêmes lieux mais déserts, vides, en ruines. Ses films sont toujours réalisés avec de petits budgets et sur des périodes courtes. La disjonction des voix et des corps morcelés devient sensible lors du passage du corps à une voix neutre, sans âge : brisures visuelles du texte, décalages récurrents de l’enchaînement narratif, ruptures syntaxiques ou modales, images blanches39 font place et lieu à cette contrée de L’amour Duras.
Quel amour c’était…
Entier…
Mortel…
Si je vous le demandais, accepteriez-vous de me tuer ?
Oui40.
Marguerite à Yann41 : « Vous êtes ce qui n’aura pas lieu et, comme tel, se vit. ».
Chez Duras, tant le délitement d’une causalité logique que le manque de normalité produisent ce surgissement délibéré des rires et des sirènes de S.Thala, en feu42: désarticulation de la trame narrative et dis-location du sien rapport propre au code43 selon l’acception de Foucault, la force de détruire en acte efface les personnages, voire tout indice personnel ou possessif44 et laisse sans corps des voix machinales, neutres et dissociées, voix de femmes surgies d’ailleurs, extérieures au récit, voix qui se parlent et arpentent affolées des lieux dévastés, sans retour, S.Thala. Ce sont elles qui nomment d’abord le lieu, S.Thala. Degré zéro du neutre.
S.Thala, où RIEN N‘AURA EU LIEU QUE LE LIEU. Une absence au lieu de l’Autre. Au bi du bout, la folle dissipation du rapport sexuel qu’il n’y a pas, quoi qu’on en dise45. Détruire dit-elle est un texte charnière avant L’amour et La femme du Gange. Ce film tourné du 14 au 26 novembre 1972 à Trouville, sur la côte normande46, offre un entrelacs entre l’errance des voix sans corps et le mouvement des corps sans voix, le voyageur, le fou qui marche, la jeune fille, la mendiante enceinte, les enfants. Là, on glisse dans le champ ouvert par le neutre que met en valeur la seconde analytique : les pronoms personnels sujet s’effacent (Ne savent pas être entendues… Ne les appelle pas / Le fou arrive. Parle seul / Se sait être aimée…), le triangle se fait et se défait sans cesse entre eux, le ternaire des personnages sans nom insiste, vibrations d’un désir saisissant, de la digue à la mer, de l’hôtel à la digue et au-delà, c’est encore S.Thala, le mouvement des corps qui marchent, les cris, les sirènes. La voix devient neutre, l’adresse s’estompe, cet élan si fort de mourir parfois, l’attente, l’oubli, la peur de la folie, détruire dit-elle47, écrire peut-être48…
a) « La femme du Gange, c’est deux films : le film de l’image et le film des voix.49 »
« Les voix… ELLES SE PARLENT. ELLES IGNORENT LA PRÉSENCE DU SPECTATEUR. Il ne s’agit pas d’un commentaire… Ce ne sont pas non plus des Voix off, elles ne facilitent pas le déroulement du film, au contraire, elles l’entravent, le troublent. »
– Logique de l’égarement des lieux, il est sensible que si la mendiante demande une indication, c’est pour se perdre… Et dans L’amour, on ne sait plus rien :
[…] où est-on ? – ici c’est S.Thala jusqu’à la rivière
– Et après la rivière ? – après la rivière, c’est encore S.Thala50.
– Logique de l’égarement du temps, Alissa a toujours 18 ans51 (LVStein, la jeune fille…).
– Logique du désir et de la folie : dans Détruire, c’est la forêt d’où vient la musique, par-delà les tennis au fond du parc ; dans L’amour, c’est au-delà de la digue, ce sont les sables et la mer d’où émergent d’autres noms, Stein Alissa, Aurelia Steiner, Voix1/Voix2…
Avec India Song bis, Duras cherche au cinéma la mort de la représentation, de façon ascétique jusqu’à l’Homme Atlantique (1981), film où une absence d’image, une image noire, tente de faire coupure à toute représentation.
Par ailleurs, c’est en 1973 que le film de Guy Debord, La Société du spectacle, sort sur les écrans parisiens52, quinze ans après l’essai écrit du même titre :
Dès ses premiers films et de façon de plus en plus claire, Debord nous montre l’image en tant que telle, c’est-à-dire, selon un des principes théoriques fondamentaux de La Société du spectacle, en tant que zone d’indécidabilité entre le vrai et le faux. Mais il y a deux façons de montrer une image. L’image exposée en tant que telle n’est plus image de rien, elle est elle-même sans image. La seule chose dont on ne puisse faire une image, c’est pour ainsi dire l’être image de l’image. Le signe peut tout signifier, sauf le fait qu’il est en train de signifier. Wittgenstein disait que ce qu’on ne peut signifier ; ou dire dans un discours, ce qui est en quelque sorte indicible, cela se montre dans le discours. Il y a deux façons de montrer ce rapport avec le « sans-image », deux façons de donner à voir qu’il n’y a plus rien à voir. L’une, c’est le porno et la publicité qui font comme s’il y avait toujours à voir ; toujours encore des images derrière les images ; l’autre qui, dans cette image exposée en tant qu’image, laisse apparaître ce « sans-image » qui est, comme disait Benjamin, le refuge de toute image. C’est dans cette différence que se jouent toute l’éthique et toute la politique du cinéma53.
b) Image absolue
Duras pensait nommerson romanL’Amant L’image absolue : il existe une photographie manquante, jamais prise, qui aurait capturé un moment clé de sa jeunesse. Cette absence a des effets : « cette image, cette photographie absolue non photographiée, est entrée dans le livre54 ». Comment ce qui n’existe pas peut-il agir ainsi ? demande-t-elle, à sa façon : l’image absolue induit l’idée que l’absence même de cette image réelle peut donner lieu à une expérience décisive et inédite. Lieu du neutre qui traverse son œuvre ? Vu sous l’angle de la seconde analytique, l’écrire qui fait acte, avec Duras, serait affine à une fin d’analyse qui fait acte.
c) Le punctum
Dans La chambre claire55, Barthes évoque à l’aide du « punctum » le rapport à nos morts, cette espèce de « supplément subtil, cette chose en plus que l’image me donne. […] une piqûre, petit trou, petite tache, petite coupure – et aussi coup de dés ». Le punctum peut être un détail quelconque, souvent visuel, mais surtout il a un effet intime, subjectif. Devant la photo de sa mère, dans le jardin d’hiver : le punctum devient un déictique de l’absence, du deuil, de l’éprouvé d’une présence réelle, telle un fantôme.
d) Non-image, image nulle, image blanche, film noir
Juste après le tournage de Son nom de Venise dans Calcutta désert en 1976, Duras évoque une image nulle, des images nulles : «Je voulais, oui, remplacer l’image d’India Song par une non-image peut-être – enfin ce qui est au plus près d’une image blanche. […] faire ça, un filmblanc56 ».
PuisLes Parleuses57….
« Je sais que le lieu où ça s’écrit, où on écrit […], c’est un lieu où la respiration est raréfiée, il y a une diminution de l’acuité sensorielle. Tout n’est pas entendu, mais certaines choses seulement, voyez. C’est un lieu noir et blanc58. »
« Lieu de l’horreur de l’acte analytique en tant qu’il objecte au semblant59 » ?
Le noir, le bloc noir60 :
« […] « Quand on lit, on se retrouve, et quand on va au cinéma, on se perd« . Et quand on va voir tes films, on ne se perd pas. C’est dans le noir qu’on se retrouve61. »
Le « noir atlantique62 » : Je crois que le noir est dans tous mes films, terré, sous l’image.
Le noir couleur :
L’Homme Atlantique est composé en partie de plans non utilisés d’Agatha. […] Un événement considérable est survenu avec L’Homme Atlantique. […] Je n’avais plus assez de chutes d’Agatha pour le remplir d’images. Je voulais le garder tel quel, insuffisant, à l’intérieur du hall, c’est-à dire à l’intérieur de l’amour, ne rien faire exprès pour lui donner le confort de la représentation. Alors j’ai employé du noir, beaucoup. […] C’est la première fois que je filme du noir couleur, je veux dire que j’écris des textes entiers sur du noir couleur. […] Il défile tout entier comme un fleuve. Il ne s’agit pas d’une matière arrêtée, mais d’une matière en mouvement, entre toutes identifiable parce que plus étroitement liée au son, à la parole, du moment qu’aucune image ne corrompt la plénitude du lien entre noir et son, et surtout entre noir et parole, entre noir et vie, noir et mort.
Autre écho chez Barthes quand il souligne dans Le plaisir du texte ce qui « fait entrevoir la vérité scandaleuse de la jouissance : qu’elle pourrait bien être, tout imaginaire de parole étant aboli, neutre63 ». « Le plaisir est un neutre (la forme la plus perverse du démoniaque64 ».65
Ces quatre points participent de ce basculement qui fait qu’après que l’objet a occupé son lieu (dit par Lacan « lieu de l’Autre »), c’est ce lieu [dit lieu du corps] qui résorbe l’objet66. Cette hypothèse d’absence d’un sujet de l’énonciation dans ces moments d’expérience limite est un appui précieux pour aborder ce qu’il arrive qu’il se passe en fin d’analyse67, la question de l’acte psychanalytique, ce qui fait acte ou non et de là ce qui fait école. C’est de la veine de cette expérience que le dispositif actuel de la passe est censé recueillir le jus.
Je me suis demandé si ce qui arrivait à Marie de La Trinité – par ailleurs exemplaire au regard de la seconde analytique – pouvait relever de cette hypothèse. Avec l’idée qu’elle aura peut-être eu affaire à « ça » aussi dans son chemin singulier : sous quelles modalités ? Qu’était-ce ? Qu’en aura-t-elle dit ? La question mérite le détour. Au-delà de sonexpérience limite (sa grande grâce de 1939 ou son épreuve de Job, été 1945), au-delà de sa cure d’analyse singulière à propos de « ça » avec Lacan68, elle devient psycho-thérapeute à l’hôpital Vaugirard puis passe la dernière partie de sa vie, de retour à Flavigny dès 1959, soulagée de ses tourments, tortures et multiples écartèlements, apaisée, une fois consommé un renoncement à sa jouissance, (celle absolue du jeûne, celle de détruire pendant ses cris de violence, celle de l’immolation69 où elle se fondrait en Dieu, celle de l’enfermement monastique, etc.). De l’angoisse à la paix !70.
2. La délicatesse de la banalité71, une école du lieu72
Aujourd’hui, avec le tournant incommensurable de L’amour Lacan, l’appui de ses derniers textes ouvre des questions en résonance avec la pratique de la psychanalyse en 2025 : c’est en effet sur cette question de la folie et de son autre tour que ma rencontre avec Jean Allouch aura d’abord eu lieu, de façon décisive. Années 1990, service du Professeur Georges Lanteri-Laura, à l’Hôpital Esquirol, l’ancien Charenton comme ça se disait : c’était un vendredi matin, lui venait du dehors dans une toute petite voiture pour une présentation de malade avec sa petite troupe de l’époque, etmoi, avec de grands fous et folles, l’attendant sans le connaître au dedans, chez Lanteri.
Ensuite ce fut le début d’une expérience singulière. Je me trouvais en recherche d’une oreille avertie car écrire ne pouvait suffire, sauf à s’y perdre : il s’agissait de parler à lui de mon histoire avec la folie, une question imminente de vie ou de mort, lui disais-je lors de ce qui devint après-coup ma première séance à son consultoire à Maubert-Mutualité. Une rencontre inouïe sur plusieurs décennies. Intermittences. Hors du temps. Il aura été aussi un funambule à sa façon pour laisser l’analysante que je devins, après des mois de résistance et d’apprivoisement (qui apprivoisait qui ?) libre d’oser cette rencontre à son rythme, d’apprivoiser ça, l’irréductible de son désir, jusqu’au terme de sa propre folie, celle qui engage toute une vie : mine de rien, c’est un point essentiel qu’il m’a transmis. Dans l’après-coup, il m’apparaît que c’est ça, ce que Lacan appelait liberté.
S’adresser à la liberté d’autrui…? Qui s’adresse à qui ? « C’est bien autour de la question de l’adresse et comme une question portée en ce lieu même de l’adresse que s’opère la modification du style durassien73».
A propos du neutre, après glissement74, ce serait une parole sans adresse. Le Vice-consul75dès 1966annonce cette poétique du quiconque76, du n’importe qui77:
C’est vrai, il hurlait chaque jour le vice-consul… mais d’un lieu pour moi secret. Comme chaque jour on prie, lui il hurlait. C’est vrai ça, il criait fort et dans les nuits de Lahore, il tirait sur les jardins de Shalimar pour tuer. N’importe qui, mais tuer78. Il tuait pour tuer. Du moment que n’importe qui c’était l’Inde entière en état de décomposition. Il hurlait chez lui, à la Résidence, et quand il était seul dans la nuit noire de Calcutta désert. Il est fou, fou d’intelligence le vice-consul. Il tue Lahore toutes les nuits. (Marguerite Duras)79.
Je dis la passe du Vice-consul. Ceci en aucune façon n’implique que cette passe il l’ait franchie. Certainement pas en tout cas en ce temps d’écriture qui s’intitule de son nom de Vice-consul. Si bien qu’il y aura cette autre tentative, India Song. Reste qu’avec Le Vice-consul, c’est là le fait remarquable, l’exigence assumée d’insérer – mais peut-être d’une insertion impossible ? – la question du lecteur, qui est du même pas question au lecteur, au coeur même du texte, se traduit par l’invention d’un dispositif d’écriture qui ne manque pas de nous évoquer celui de la passe. (Jean Allouch)80.
La suspension de la voix subjective ouvre une nouvelle érotique qui découle d’une telle poétique : le lieu accueille ce qui arrive au lieu de, à la place du deux et du lien manquant, comme dans la psychose (où une petite lettre se renverse, il y a lieu mais pas de lien). Sous cet angle d’approche, un effet de fin d’analyse s’éclaire avec ce que montre ce passage au film pour Duras et son dispositif d’écriture : c’est un moment de dislocation, non du code propre selon l’acception de Foucault81, mais dislocation comme un pas de côté à propos de son propre rapport au code, là où un gouffre s’ouvre soudain sous les pieds, tel un glissement de terrain sans précédent.
Le neutre serait vital en tant qu’il permet l’expérience du continu : un continu qui n’exclut pas l’hétérogène, le discret, le disparate, le discontinu de la folie, de la mort, parce qu’il s’en constitue dans le même mouvement. La notion de topos chez Grothendieck82 n’est pas sans y faire penser.
Ce projet est inhabituel et il exige de vous, lecteur, une pincée de bonne volonté et de patience. Il exige l’effort de laisser le travail réalisé ici travailler en vous83.
Blanchot, dans La Communauté inavouable84, propose une forme de communauté fondée sur une sorte de co-présence à l’absence. Non point la communauté ineffable de Bataille. Plutôt une communauté liée par l’intransmissible d’une expérience-limite, « l’expérience du dehors » comme de l’impossible à dire. C’est là que Lacan, avec sa topologie du réel, résonne : une parole sans sujet d’énonciation identifiable, sans destinataire fixé. Dans cette logique, on pourrait parler, avec Jean Allouch, d’école célibataire en tant qu’elle relève de l’amour Lacan, celui qui sait laisser l’autre être seul.
Au fondement d’une telle école : un lieu d’expérience du réel, à partir de ce qui arrive, selon l’érotologie du neutre impliquée par une pratique de la psychanalyse, ouverte à ce qui ne cesse pas de ne pas faire deux, à l’absence éprouvée de tout désir de l’existence d’un rapport binaire ou sexuel. Ce lieu d’énonciation sans sujet fixe est ce lieu du Neutre. Quand on parle de neutralisation, d’effacement du sujet de l’énonciation, cela ne veut pas dire qu’il n’y a rien, qu’il n’y a plus d’énonciation, ça porte sur le sujet, non sur l’énonciation elle-même ! Hors représentation, hors signification, irréductible passe. C’est un lieu de passage, paradoxal, sans les coordonnées syntaxiques du sujet de l’énonciation. Beckett pousse l’effacement du sujet à un point tel que le lieu persiste sans sujet : Film, avec Buster Keaton85.
« Il n’y a pas d’écriture sans traversée de la forêt des morts », écrit Yannick Haennel86 à la recherche d’une phrase absente, « perdue » de Duras, (quelle délicatesse, serait-ce sage comme une image une phrase absolue ?). Ladite phrase parle au plus secret de cequ’il nomme ce « point scintillant et neutre, absolument irrécupérable, qui échappe à l’emprise de la société. ».
Il n’y a pas, il n’y aura pas eu d’analyse sans traversée de la forêt des morts.
1 Jules Barbey d’Aurevilly, Les Diaboliques, Paris, Le livre de poche, 1985.
2 « Le démonstratif a la valeur d’un neutre : « cela », pour Barbey, c’est la Chose sans nom, que l’on ne peut dire que négativement – impersonnelle, intemporelle, inconnaissable – , qui résiste à toutes les taxinomies et qu’au XIXe siècle, on qualifiait par commodité de « diabolique ». Dans ce « cela », notre temps entend plutôt « Ça « , le monde des pulsions. » Plaquette de Claire Morel, en ouverture, éditée et offerte au Livre en fête à Figeac, à l’occasion de la fête des librairies indépendantes, le 26 avril 2025.
3 Maurice Blanchot, L’amitié, Paris, Gallimard, nrf, 1971.
4 Samuel Beckett, Fin de partie, Paris, Minuit, 1959. Ce titre de Beckett a jailli à l’improviste lors d’un débat au sein d’un jury de passe à l’écoute des témoignages de deux passeurs, d’un à-propos précieux et remarquable, dans le commun de ce contexte.
5 Sudhir Kakar, Fou et divin, Paris, Seuil, 2010 ; Moksha, le monde intérieur, Paris, Les belles lettres, Coll. Confluents psychanalytiques, 1985.
6 Michel Foucault, La pensée du dehors, Paris, revue Critique n°229 sur Maurice Blanchot, juin 1966, p. 523-546.
7 Maître Eckhart, Traités et sermons, Paris, GF-Flammarion, trad. Alain de Libera, 1993.
8 Georges Didi-Huberman, L’empreinte, Paris, éditions du Centre Georges Pompidou, 1997.
9 Catherine Alcouloumbré, « Non-lieu de l’errance, errances en non-lieux », revue Empan, n°101, 2016 :
https://www.cairn.info/revue-empan-2016-1-page-112.htm
10 M. Foucault, « La pensée du dehors », op. cit., Paris, Dits et Ecrits,Gallimard, nrf, T.1, 1994, p. 537,note 5.
11 Michel Foucault, « La folie n’existe que dans une société », entretien avec J-P. Weber, Le Monde, 22 juillet 1961, Dits et Ecrits,Gallimard, nrf, T.1, 1994, p. 168.
12 Michel Foucault, « Le langage à l’infini », 1963, Dits et écrits,T. 1, p. 250 et « La pensée du dehors », revue Critique,n°229, juin 1966, p. 523-546.
13 Michel Foucault, « Qui êtes vous, professeur Foucault ? », septembre 1967, Dits et Ecrits, T.1,p. 614-615.
14 Michel Foucault, Entretien avec Michel Foucault, Conversazione con Michel Foucault, par D.Trombadori, Paris, Dits et écrits, T.4, fin 1978, p. 41-95, citation p. 43.
15 Maurice Blanchot, L’écriture du désastre, Paris, Gallimard, nrf, 1980, ré-éd. 1997.
16 Émile Benveniste, Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard, nrf, 1975, T.1, ch.XVIII Structure des relations de personne dans le verbe, p. 225-236.
17 Roland Barthes, Le degré zéro de l’écriture, Paris, Seuil 1953, coll. Points, Essais, éd. 1972, suivi de « Nouveaux essais critiques ».
Article initialement paru en août 1947, dans le journal Combat, sous le titre « Le degré zéro de l’écriture » :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4749455q/f2.item
18 Jacques Lacan, séminaire oral inédit Les structures freudiennes des psychoses, Paris, 1955-56 :
https://ecole-lacanienne.net/bibliolacan/stenotypies-version-j-l-et-non-j-l
J. Lacan, séminaire, livre III, Les psychoses, 1955-56, Seuil, Paris, 1981.
19 J.Lacan, L’Express, 31 mai 1957 : « Et ce lieu, cet en-dehors du sujet, c’est strictement ce qu’on appelle l’inconscient. ».
J.Lacan, Entretien avec Pierre Daix du 26 novembre 1966 publié dans Les Lettres Françaises, n° 1159 du 1er au 7 décembre 1966 : « Il n’est rien pour quoi les psychanalystes d’aujourd’hui aient plus d’aversion que pour l’inconscient, car ils ne savent pas où le mettre. Cela se comprend, il n’appartient pas à « l’espace euclidien », il faut lui construire un espace propre, et c’est ce que je fais aujourd’hui. », site de l’Elp, Pas-tout-Lacan :
https://ecole-lacanienne.net/wp-content/uploads/2016/04/1966-11-26.pdf
20 Jacques Lacan, « L’Etourdit », revue Scilicet, n°4, Paris, Seuil, 1973, p. 5-52.
21 Isabelle Châtelet, « « Il est temps »: du kaïros dans l’analyse », revue Recherches en psychanalyse, n°35-36, 2003, p. 327-335 :
https://shs.cairn.info/revue-recherches-en-psychanalyse-2023-1-page-327?lang=fr
22 Roland Barthes, Le Neutre, Cours au Collège de France, 1978, Paris, Seuil, 2023, p. 370 : « Ainsi, permettez-moi de dire un peu par plaisanterie et provocation que, à supposer que ce cours présent soit un kaïros – c’est-à-dire, je ne dis pas un bon moment, ce serait beaucoup de prétention, mais disons un moment opportun – , cela voudrait dire si nous étions tous des sujets au Neutre, que nous en accepterions la fragilité et la « périssabilité », c’est-à-dire la contingence, le « une seule fois et c’est fini ». Le cours, à la limite, devrait être considéré, comme on dit en médecine, comme « extemporané […] ».
23 Richard Broxton Onians, Les origines de la pensée européenne, Paris, Seuil, 1999.
En particulier, partie 3, ch.17, « Le Kaïros », p. 351.
24 Louis Marin, La critique du discours. Sur la logique de Port-Royal et les pensées de Pascal, Paris, Minuit, 1975, p. 349, cité par J.Allouch, Vitalité du neutre, neutralité du vital, id. note 1,p. 11 et p. 85.
25 Marguerite Duras, Nathalie Granger suivie de La femme du Gange, Paris, Gallimard, 1973, AVANT-PROPOS, p. 103-104.
26 J.Allouch, Vitalité du neutre, neutralité du vital, op. cit., p. 87, note 4.
27 J.Allouch, Pourquoi y a-t-il de l’excitation sexuelle plutôt que rien ?, Paris, Epel, 2017, p. 17 : « […]un glissement de l’analytique du rapport vers celle de l’objet ».
28 Catherine Alcouloumbré, Ecrire dit-elle, détruire peut-être, juin 1978, inédit, bibliothèque de l’UFR Sciences des Textes et Documents à Paris VII, Jussieu, p. 10-12.
29 Marguerite Duras, Détruire dit-elle, Paris, Minuit, 1969.
30 Maurice Blanchot, L’amitié, Paris, Gallimard, NRF, 1970.
31 Samuel Beckett, Fin de partie, Paris, Minuit, 1957, réd. 1975, p. 15-16.
32 S. Beckett, Fin de partie, op. cit., p. 38.
33 Nathalie Sarraute, Pour un oui pour un non, 1982, Paris, Gallimard, première édition, p. 26-27. A la Comédie française, filmé le 7 mars 2025 :
34 Maurice Blanchot, L’attente, l’oubli, 1962, Paris, Gallimard, rééd. Coll L’imaginaire, 2000.
35 J.Allouch, Pourquoi y a-t-il de l’excitation sexuelle plutôt que rien ? op. cit., p. 67 : « Qu’est-ce qui rend donc possible un tel passage, un tel virage, un tel glissement (qui convoque le terme de versement plus haut employé à propos des deux analytiques lacaniennes ?) », p. 16 et 45.
36 Maurice Blanchot, Thomas le solitaire, 1932, manuscrit inédit.
Publié à titre posthume, Paris, Kimé, 2023.
37 Maurice Blanchot, Thomas l’obscur, Paris, Gallimard, nrf, 1941, nouvelle version 1986.
38 Maurice Blanchot, L’espace littéraire, Paris, Gallimard, coll. Idées, juin 1985.
39Catherine Alcouloumbré, « Textures du neutre », 2022 :
https://alcouloumbre.fr/2023/01/10/textures-du-neutre/2
40 Marguerite Duras, Nathalie Granger suivie de La femme du Gange, Paris, Gallimard, 1973.
41 Il s’agit de Yann Andrea.
42Marguerite Duras, L’amour, Gallimard, 1971, p. 66.
43 Michel Foucault, Folie, langage, littérature, Paris, Vrin, coll. Philosophie, 2019.
44 Emile Benveniste, « Structure des relations de personne dans le verbe », Problèmes de linguistique générale, op. cit. T. 1, ch.XVIII, p. 225-236.
45 Jean Allouch, « La passe ratée du vice-consul », 1978, Paris, revue Ornicar ?, et Lettres de l’Efp, journées de Lille, mars 1978.
Version *.pdf disponible sur le site de l’Elp, Lettres de l’EFP, après journées de Lille de mars 1978 :
https://ecole-lacanienne.net/wp-content/uploads/2016/04/Lettres-de-LEFP-22-6.pdf
A propos du « on-dit » : « Dans l’écart du dire supposé à l’impossible redite, il y a de l’on dit. », p. 404.
46 Viendra ensuite La Pute de la côte normande, Paris, Minuit, 1986.
47 M. Duras, Détruire dit-elle, op. cit., p. 34, dit par Alissa.
48 M. Duras, Détruire dit-elle, op. cit., p. 38, dit par Max Thor.
49 M. Duras, La femme du Gange, op. cit., Paris, Gallimard, 1973, « AVANT-PROPOS », p. 103-104.
50 M. Duras, La femme du Gange, op. cit., p. 120.
51 M. Duras, Détruire dit-elle, op. cit., p. 134.
52 Guy Debord, La société du spectacle, 1973, film de Guy Debord, documentaire.
53 Giorgo Agamben, Le cinéma de Guy Debord Image et mémoire, 1995. Ce texte est la transcription – revue par Agamben – d’une conférence prononcée dans le cadre d’un séminaire consacré à Guy Debord, accompagné d’une rétrospective de ses films, lors de la 6ème Semaine internationale de video à SaintGervais, Genève, en novembre 1995. Texte intégral, éditions Hoëbeke, 1998, collection Arts & esthétique, (p. 65-76), publié avec trois autres articles, dans un recueil intitulé :
Giorgo AGAMBEN, Image et mémoire. Paris, Gallimard, Coll. Arts et esthétique, 1998 :
https://www.pileface.com/sollers/pdf/Le%20cin%C3%A9ma%20de%20Guy%20Debord.pdf
54 Marguerite Duras, Entretien avec Hervé Le Masson, Inconnue de la Rue Catinat, Le Nouvel Observateur, n° 28, sept. 1984. Duras donne à son roman L’amant comme titre original L’Image absolue :
https://referentiel.nouvelobs.com/archives_pdf/OBS1038_19840928/OBS1038_19840928_092.pdf
55 Roland Barthes, La chambre claire, note sur la photographie, Paris, Cahiers du cinéma, Gallimard, Seuil, 1980.
56 Marguerite Duras, Lettres retrouvées, entretiens avec Michelle Porte, 1969-1989, 2022, Paris, Gallimard.
57 Marguerite Duras,Les Parleuses, entretien 1974 avec Xavière Gauthier, Gallimard, p. 151.
58 Christiane Blot-Labarrère, Album Marguerite Duras, mars 2014, Paris, La Pléïade, nrf, p. 152.
59 Jean Allouch, « La passe ratée du vice-consul », op. cit., 1978, Paris, cf. phrase finale : « Si le vice-consul – cette plaie – n’est pas sans susciter en son adresse quelque chose comme de l’horreur, c’est l’horreur même de l’acte psychanalytique en tant qu’il ne supporte pas le semblant. ».
60 Marguerite Duras, « Le bloc noir », 1987, La vie matérielle, Paris, P.O.L. p. 30-34.
D’abord paru dans le numéro 57 de l’hebdomadaire Des femmes en mouvement, 11-18 septembre 1981.
61 Marguerite Duras, Les Yeux verts, Cahiers du cinéma, n°312-313, juin 1980, p. 58-59.
62 Marguerite Duras, Le Monde extérieur, Outside 2, Paris, P.O.L., 1993, Le noir atlantique, p. 14-17.
63 Roland Barthes, Le plaisir du texte, Paris, Seuil, coll. Tel quel, 1973, p. 28.
64 J. Barbey d’Aurevilly, A qui dédier cela ? In Les Diaboliques, Le livre de poche, 1985. Cf. note 1.
65 R. Barthes, Id, p. 102.
66 Jean Allouch, L’Autresexe, Paris, Epel, 2015, p. 186.
George-Henri Melenotte, L’insistance de la lettre chez Lacan, Paris, Epel, 2021.
67 Jean Allouch, « Versions du fantasme, leurs effets sur l’exercice analytique et sa fin. » Intervention à l’ALI, 24 janvier 2021 :
68 Marie de la Trinité, Dossier clinique inédit des années de maladies et de soins, séance avec Lacan du 1er avril 1950 : « oui, nous l’appellerons « ça »».
69 Immolation : étymologie, du latin immolare qui signifie enduire de farine sacrée la victime d’un sacrifice. Le mot se décompose en im- (« sur ») et -mola (« meule » ou « farine »), source Wikipedia, immoler, moulin, meule pourquoi pas mulatier ? Il s’agirait d’une référence au nom propre.
70 Marie de la Trinité,De l’angoisse à la paix, Orbey, Arfuyen, 2003.
Carnets V, Paris, Le Cerf, 15 mai 1945, p. 331-332.
Et l’excellent site préparé et ouvert en 2024 par Christiane Schmitt :
71 Marguerite Duras, Ecrire, Paris, Gallimard, nrf, 1993, p. 45 : « Moi je ressemble à tout le monde. Je crois que jamais personne ne s’est retourné sur moi dans la rue. Je suis la banalité. Le triomphe de la banalité. Comme cette vieille dame du livre : « Le Camion ». »
72 Ce titre est une référence au remarquable livre de Mireille Calle-Gruber, La noblesse de la banalité, de l’incidence éditeur, 2003, en particulier p. 25-40.
73 Jean Allouch, « La passe ratée du vice-consul », op. cit., 1978, Paris.
74 Jean Allouch, op. cit, cf. note 19.
75 Marguerite Duras, Le Vice-consul, Paris, Gallimard, nrf, 1966.
76 Jean Allouch, L’amour Lacan, Paris, Epel, 2009, Du n’importe qui, p. 144 : « Voici le transfert, un de ses versants tout au moins ; et voici aussi ce dont, réglé sur le « n’importe qui », le désir du psychanalyste permettrait à l’analysant de se dégager. Fin du transfert, illumination : « c’était n’importe qui ! »».
77 M. Duras, op. cit., p. 25.
78 Ce syntagme « n’importe qui, mais tuer » n’est pas sans évoquer Ricardo Melogno dans l’ouvrage de Carlos Busqued : Les quatre crimes de Ricardo Melogno, Entretiens, Paris, Epel, trad. Guy le Gaufey, 2019. En 1982, dans un quartier populaire de Buenos-Aires, R.Melogno tue de la même façon quatre chauffeurs de taxi, sans pouvoir dire un mot de cet acte quatre fois répété, sans raison.
79 Marguerite Duras, Écrire, Paris, Gallimard, 1993, p. 25.
80 Jean Allouch, « La passe ratée du vice-consul », 1978.
81 Michel Foucault, Folie, langage, littérature, op. cit.
82 Alexandre Grothendieck, Récoltes et semailles, Réflexions et témoignages sur un passé de mathématicien, Paris, Gallimard, coll. Tel, 2022, T. 1, p. 47, note 29.
– Voir aussi : Alain Connes et Patrick Gauthier-Lafaye, A l’ombre de Grothendieck et de Lacan, Un topos sur l’inconscient, Paris, Odile Jacob, 2022.
– Colloque de la Lysimaque : Lacan et Grothendieck, l’impossible rencontre ?, 21-22 mai 2022, accessible sur le site de Stéphane Dugowson :
https://sites.google.com/site/dugowsonrecherche/coordinations-colloques/LG
83 Eduardo Köhn, Comment pensent les forêts ? Vers une anthropologie au-delà de l’humain, Paris, Zones sensibles éditions, préface de Philippe Descola, 2017.
84 Maurice Blanchot, La communauté inavouable, Paris, Minuit, 1990.
85 Samuel Beckett, Film, avec Buster Keaton, 1965.
86 Yannick Haennel, L’irréductible, revue numérique AOC, 4 février 2024 :
